Quels sont les traitements du cancer de la vessie ?

Les traitements

Un traitement personnalisé

Le traitement d’un cancer est de plus en plus personnalisé : pour chaque patient, il dépendra des différents éléments qui auront été recueillis lors du diagnostic et du bilan pré-thérapeutique de la maladie : la nature des cellules cancéreuses et leur grade, la localisation et le stade de la maladie. Lorsqu’un cancer de la vessie aura été diagnostiqué, le médecin traitant ou l’urologue qui aura souvent fait le diagnostic adressera son patient à un oncologue spécialisé dans le traitement de ces cancers. Celui-ci ne décidera pas seul du traitement le plus adapté au patient et à sa maladie car chaque patient est unique. En pratique, le cas de chaque patient sera discuté au cours d’une Réunion de Concertation Pluridisciplinaire ou RCP. Cette réunion réunit au minimum un oncologue, un radiothérapeute et un chirurgien urologiste.

Lorsqu’un traitement aura été choisi en RCP, le médecin qui prendra initialement en charge la maladie, oncologue, chirurgien urologiste ou radiothérapeute expliquera en détail le traitement ou plus exactement le parcours thérapeutique envisagé lors d’une consultation particulière dénommée consultation d’annonce. Parcours thérapeutique est effectivement un terme approprié car il va être proposé au patient un chemin parfois long jalonné de plusieurs étapes. Au cours de ces étapes, il sera utilisé un ou plusieurs des cinq traitements disponibles contre les cancers : deux de ces traitements sont locorégionaux, chirurgie ou radiothérapie. Trois autres traitements sont généraux (traitements dits systémiques), chimiothérapie, thérapie ciblée ou immunothérapie. Les chimiothérapies et les thérapies ciblées sont administrés par voie orale ou par voie intraveineuse afin d’atteindre les cellules cancéreuses qui pourraient s’être disséminées. Les immunothérapies sont administrées par voie intraveineuse afin des stimuler les cellules du système immunitaire afin que celles-ci puissent éliminer les cellules cancéreuses. Certains traitements, que ce soit une radiothérapie, une chimiothérapie, une thérapie ciblée ou une immunothérapie peuvent être effectués seul ou en combinaison avant la chirurgie et sont appelés traitements néoadjuvants. S’ils sont prescrits après la chirurgie, ils sont dénommés traitements adjuvants.

La chirurgie est souvent le traitement initial des cancers de vessie. Chez les patients avec une tumeur de vessie n’Infiltrant pas le muscle, le tissu tumoral sera retiré à l’intérieur de la vessie par résection transurétrale vésicale (voir précédemment dans la section Diagnostic).

Chez ces patients, un traitement adjuvant par chimiothérapie ou par immunothérapie locale sera réalisé après la résection transurétrale vésicale. Ce traitement a pour objectif de diminuer fortement le risque de récidive. 

Il est réalisé par instillation d’une chimiothérapie ou d’une immunothérapie locale à l’intérieur de la vessie. Pour faire cette instillation, une fine soude urinaire est introduite dans l’urètre et le produit est injecté directement dans la vessie. La chimiothérapie est réalisée avec des médicaments comme la mytomycine C, l’épirubicine ou la gemcitabine. Ces médicaments bloquent la multiplication des cellules tumorales. L’immunothérapie locale est réalisée par instillation du Bacille de Calmette et Guérin (BCG).

Le point de vue de l'expert

En savoir plus sur l'utilisation du BCG pour la prévention des rechutes

Le BCG est utilisé habituellement pour la vaccination contre la tuberculose. Prescrit depuis 1976 pour diminuer les récidives des cancers de vessie n’Infiltrant pas le muscle, le mécanisme d’action du BCG n’est pas totalement clair. Il serait censé stimuler localement le système immunitaire pour rejeter les cellules tumorales. Il est instillé 4 à 6 semaines après la résection tumorale. Il est efficace dans 60 % à 70 % des cas (source arcagy.org).

La chirurgie

Lorsque l’on constate une récidive précoce du cancer chez ces patients, une intervention chirurgicale qui consiste dans un premier temps à retirer la vessie (cystectomie) sera réalisée. La cystectomie s’accompagne d’un curage ganglionnaire. Celui-ci permet de retirer les ganglions lymphatiques qui sont dans le petit bassin et qui auraient pu être envahis par les cellules tumorales. L’utérus chez la femme et la prostate chez l’homme peuvent aussi être retirés. Dans un second temps, l’intervention chirurgicale consiste à mettre en place un système de dérivation permettant de suppléer la vessie et d’évacuer l’urine produite par les reins.

Le point de vue de l'expert

En savoir plus sur les différents types de dérivation

Trois types de dérivation sont envisageables en fonction de la situation du patient.

  • La néo-vessie iléale

Une vessie artificielle est construite à partir d’un segment d’intestin (l’iléon). Le morceau d’intestin est façonné par le chirurgien afin de lui donner une forme de réservoir. Celui-ci est ensuite connecté aux uretères (tubes véhiculant l’urine depuis les reins) ainsi qu’à l’urètre (tube permettant l’évacuation des urines lors de la miction). Cette néo-vessie, implantée à l’intérieur de l’abdomen, permet l’évacuation des urines par les voies naturelles.

  • La dérivation continente cutanée

Il s’agit du même procédé que la néo-vessie, puisque le chirurgien crée un nouveau réservoir à partir d’un segment de l’intestin. Cependant, ce réservoir n’est pas connecté à l’urètre pour une évacuation de l’urine par les voies naturelles, mais relié par un tube à un orifice cutané permettant au patient d’effectuer des vidanges manuelles régulières (toutes les 6 heures).

  • La dérivation urétero-iléale selon Bricker

Le chirurgien prélève un segment d’intestin qu’il connecte aux reins par les uretères. Ce segment est ensuite relié à la peau à proximité du nombril. L’extrémité du segment apparaît alors comme un orifice visible sur l’abdomen (stomie). il sert de support à une poche externe de recueil des urines, fixée contre le corps. Le patient doit alors apprendre à vider et changer cette poche régulièrement (d’après chu-lyon.fr).

Le choix du type de dérivation dépend des caractéristiques du patient comme l’âge, le fonctionnement des reins et des caractéristiques de la tumeur. Le patient doit être clairement informé des avantages et des désavantages de chaque option de telle façon qu’une décision partagée entre le médecin et son patient soit prise dans le meilleur intérêt du patient.

L’intervention chirurgicale peut être réalisée par laparotomie (incision sous le nombril) ou par laparoscopie avec ou sans assistance robotique.

En savoir plus sur la laparoscopie avec ou sans assistance robotique

La laparoscopie appelée également cœlioscopie ne nécessite que de petites incisions dans l’abdomen. Celles-ci permettent d’introduire dans l’abdomen un tube fin flexible muni d’une fibre optique (endoscope) pour visualiser en deux dimensions (2D) la région à opérer. Elles permettent également d’introduire de petits instruments pour retirer les zones tumorales. Cette laparoscopie peut aussi être réalisée par un robot (laparoscopie robotisée). Celui-ci commande quatre bras opérateurs placés au-dessus du patient. Le chirurgien visualise les organes en haute définition (HD) et en trois dimensions (3D) et manipule les bras opérateurs avec une grande précision pour retirer les organes ciblés. Quelle que soit la technique utilisée, l’intervention chirurgicale se fait sous anesthésie générale ou péridurale. La chirurgie robotique donne les mêmes résultats que la laparoscopie non robotisée et raccourcie la durée de l’hospitalisation.

Le point de vue de l'expert

Cette intervention chirurgicale avec cystectomie, curage ganglionnaire et mise en place d’un système de dérivation est effectuée d’emblée chez les patients avec une tumeur de vessie Infiltrant le muscle. Chez ces patients, lorsque la tumeur est particulièrement volumineuse, une chimiothérapie néoadjuvante peut être effectuée avant l’intervention chirurgicale afin de diminuer la taille de la tumeur. Cette chimiothérapie est réalisée en combinant plusieurs médicaments comme le Méthotrexate, la Vinblastine, l’Adriamycine et le Cisplatine (M-VAC) ou le Méthotrexate, la Vinblastine, le Cisplatine et l’Acide folinique (CMV). Il comporte 3 périodes de traitements (cycles) espacés chacun de périodes de repos de trois semaines.

La chimiothérapie

Le point de vue de l'expert

En savoir plus sur la chimiothérapie

Les chimiothérapies ont pour objectif de tuer les cellules cancéreuses, quel que soit leur localisation dans l’organisme. Elles fonctionnent en tuant toutes les cellules à renouvellement rapide comme le sont les cellules cancéreuses. Cependant, certaines cellules normales sont aussi à renouvellement rapide comme les cellules sanguines, les cellules des follicules pileux à l’origine des poils et des cheveux ou les cellules qui tapissent la cavité du tube digestif. C’est une atteinte de ces cellules normales qui peut être à l’origine des effets indésirables de certaines chimiothérapies.            

Avant une chimiothérapie, des examens biologiques seront effectués pour vérifier notamment que les nombres de globules rouges (chargés du transport de l’oxygène aux différents tissus), de globules blancs (chargés des défenses immunitaires) et de plaquettes (chargées de la coagulation du sang) sont normaux. En effet, l’un ou plusieurs de ces nombres peuvent baisser au cours de la chimiothérapie. Ils seront contrôlés tout au long du traitement. On vérifiera aussi l’absence d’infection et notamment d’infection dentaire.

La chimiothérapie se fait le plus souvent par association de plusieurs médicaments. En pratique, ces médicaments sont administrés en perfusion intraveineuse d’environ 3 heures. Pour faciliter ces perfusions, on implante souvent chez le patient une chambre. Celle-ci est un petit réservoir placé sous la peau au-dessous de la clavicule. De ce réservoir part un petit tube mince et flexible (cathéter) qui va dans une grosse veine. Les médicaments sont injectés directement dans la chambre, ce qui est plus confortable pour le patient que les perfusions effectuées dans une veine périphérique.

La chimiothérapie peut aussi être prescrite comme traitement adjuvant après la chirurgie pour éviter les rechutes et les métastases et en cas de cancer très avancé ou métastatique. Le médicament le plus utilisé est le cisplatine ou une association carboplatine/gemcitabine.

Un autre traitement des cancers de la vessie est la radiothérapie externe.

La radiothérapie

En savoir plus sur la radiothérapie externe transcutanée

Lors de la radiothérapie externe, un appareil émet des radiations à travers la peau jusqu’à la tumeur et une partie du tissu qui l’entoure. Les radiations détruisent progressivement les cellules cancéreuses. Le médecins radiothérapeutes administrent les radiations sur la plus petite région possible afin de réduire les risques d’effets indésirables.

Le point de vue de l'expert

Celle-ci n’est pas utilisée seule mais en combinaison avec la chimiothérapie. C’est notamment le cas lorsque l’on veut préserver la vessie chez des patients avec une tumeur de vessie Infiltrant le muscle. Chez ces patients, on réalise d’abord une résection transurétrale vésicale profonde et complète de la tumeur. Cette résection est suivie d’une radiothérapie externe. En même temps que la radiothérapie, une chimiothérapie est effectuée avec une association de trois médicaments, le cisplatine, le 5-fluorouracile et la mitomycine C. Cette résection suivie d’une radiothérapie et d’une chimiothérapie concomitante constitue un traitement tri-modal.

Chez les patients avec une maladie avancé ou métastatique, les immunothérapies par inhibiteur de point de contrôle constituent une avancée majeure.

L'immunothérapie

En savoir plus sur les immunothérapies par inhibiteurs de point de contrôle

Le traitement de cancers par immunothérapie avec des inhibiteurs de point de contrôle est une véritable révolution dans le traitement de certains cancers dont les cancers de la vessie. Ces traitements sont basés sur les trois découvertes suivantes : la première est la mise en évidence de molécules particulières, les points de contrôle, qui peuvent accélérer ou ralentir le fonctionnement du système immunitaire ; la secondedécouverte est que les cellules cancéreuses peuvent utiliser les points de contrôle qui ralentissent le fonctionnement du système immunitaire pour échapper à celui-ci. Elles utilisent notamment un point de contrôle dénommé PD-L1. Celui-ci est présent à la surface des cellules cancéreuses. Cette molécule se lie à une autre molécule dénommée PD-1 qui est présente à la surface de globules blancs, les lymphocytes T cytotoxiques, ces cellules du système immunitaire chargées d’éliminer les cellules cancéreuses. La liaison de PD-L1 à PD-1 empêche les lymphocytes de jouer leur rôle et d’éliminer les cellules tumorales ; la troisième découverte est que les médicaments qui bloquent les points de contrôle PD-1 ou PD-L1 permettent de stimuler à nouveau le système immunitaire pour qu’il élimine les cellules tumorales. Ces médicaments sont des immunothérapies puisqu’ils n’éliminent pas directement les cellules cancéreuses comme le font les chimiothérapies mais stimulent le système immunitaire pour qu’il élimine les cellules cancéreuses. Ces immunothérapies seront souvent plus efficaces si les cellules cancéreuses ont de nombreuses molécules PD-L1 à leur surface.

Le point de vue de l'expert

Actuellement, cinq immunothérapies dirigées contre les points de contrôle PD-1 ou PD-L1 sont utilisées pour le traitement des cancers de la vessie localement avancés ou métastatiques. Ces immunothérapies sont utilisées comme traitement d’entretien après la chimiothérapie ou pour le traitement de cancers de la vessie en rechute après la chimiothérapie. Ces immunothérapies peuvent aussi être utilisées comme premier traitement chez les patients qui ne peuvent pas être traités avec une chimiothérapie à base de platine. Ces immunothérapies pourraient bientôt être utilisées en traitement néoadjuvant. Ainsi, la combinaison d’une chimiothérapie et d’une immunothérapie utilisée en néoadjuvant permettrait la conservation de la vessie chez certains patients avec une tumeur de vessie infiltrant le muscle2.

Les thérapies ciblées

Chez les patients avec un cancer de la vessie métastatique, de nouveaux traitements ont été développés. C’est le cas des thérapies ciblées.

Le point de vue de l'expert

En savoir plus sur les thérapies ciblées

Comme l’indique leur nom, les thérapies ciblées ciblent spécifiquement des molécules impliquées dans la transformation des cellules normales en cellules cancéreuses ou dans le développement des tumeurs malignes. Contrairement aux médicaments de chimiothérapie qui s’opposent globalement à la multiplication des cellules cancéreuses, les médicaments de thérapie ciblée visent les mécanismes intimes de cancérisation des cellules.

Une des thérapies ciblées utilisées pour traiter les cancers de vessie métastatique, l’erdatifinib, est dirigée contre un récepteur pour un facteur de croissance particulier, le FGFR3 (Fibroblast Growth Factor Receptor 3). Celui-ci est impliqué dans la croissance des cellules tumorales.

Les anticorps couplés à un médicament

En savoir plus sur les immunothérapies par inhibiteurs de point de contrôle

Les anticorps sont de molécules en forme de Y produites naturellement par certaines cellules du système immunitaire. L’extrémité des deux petits bras du Y sont capables de reconnaître très précisément une cible localisée par exemple à la surface d’un microbe ou d’une cellule cancéreuse afin de les éliminer. On sait fabriquer artificiellement des anticorps qui sont alors utilisés comme médicaments.

Certains anticorps sont utilisés seuls, par exemple pour cibler un facteur de croissance des cellules tumorales et le bloquer. Ils servent alors de thérapie ciblée.

D’autres anticorps sont utilisés seuls pour cibler un point de contrôle du système immunitaire et le bloquer.  Ils servent alors d’immunothérapie (voir la section sur les immunothérapies par inhibiteurs de point de contrôle).

Une nouvelle classe de médicament contre les cancers consiste à coupler un anticorps à un médicament qui tue les cellules tumorales. L’anticorps cible une molécule présente à la surface des cellules cancéreuses et amène le médicament qui tue les cellules tumorales.

Le point de vue de l'expert

Le premier ADC, l’enfortumab vedotin, est un anticorps dirigé contre la nectine4 présente à la surface des cellules cancéreuses. Cet anticorps est conjugué à un agent qui perturbe la structure des cellules cancéreuses.  La combinaison de cet ADC avec le pembrolizumab, une immunothérapie dirigée contre le point de contrôle PD-1, semble particulièrement prometteuse pour le traitement de patients avec un cancer de la vessie à un stade avancé3. Le second ADC, le sacituzumab govitecan, est un anticorps dirigé contre TROP2 présent à la surface des cellules cancéreuses. Cet anticorps est conjugué à médicament qui bloque la multiplication des cellules tumorales.

Finalement, les médecins cherchent en permanence à améliorer la prise en charge des patients avec un cancer de la vessie. Pour atteindre cet objectif, ils réalisent des essais cliniques. Les patients qui participent à ces essais bénéficient des récentes avancées de la recherche. Ils deviennent aussi de vrais partenaires des médecins qui réalisent ces essais et contribuent à la réalisation de nouveaux progrès.

BIBLIOGRAPHIE

  1. Dyrskjøt, L. et al. Bladder cancer. Nat Rev Dis Primers 9, 58 (2023).
  2. Klemm, J., Laukhtina, E. & Shariat, S. F. Combination neoadjuvant therapies are paving the way for bladder preservation to become the standard for selected patients. Nat Rev Clin Oncol 21, 87–88 (2024).
  3. Nadal, R., Valderrama, B. P. & Bellmunt, J. Progress in systemic therapy for advanced-stage urothelial carcinoma. Nat Rev Clin Oncol 21, 8–27 (2024).

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